Le concert qui mit fin à la période hippie : les Stones à Altamont

Programmé pour pallier au succès du festival de Woodstock, celui d’Altamont accueillait le 6 décembre 1969 Neil Young, Jefferson Airplane et les Rolling Stones. Mais ce festival est tristement resté dans l’histoire pour des raisons funestes. La mort de nombreux fans assassinés marquera symboliquement la fin du flower power.

Une sécurité prise à la légère

La tournée américaine de 1969 des Rolling Stones reçoit de nombreuses critiques, dues notamment au prix trop élevé des places de concert. Pour contredire les mauvaises langues qui les accusent d’être plus intéressés par l’argent que par leur public, les musiciens anglais décident d’organiser un festival de rock, entièrement gratuit. La programmation est ambitieuse : Crosby, Jefferson Airplane, Grateful Dead, The Flying Burrito Brothers (je ne peux qu’encenser ce choix de nom du groupe), Crosby, Stills, Nash et Neil Young, Satana et bien sûr, les Stones. Pour tous les aficionados de rock, l’occasion de voir gratuitement toutes leurs idoles est trop belle, le nombre de spectateurs s’élèvera à plus de 300 000 pour cette seule journée (pratiquement l’équivalent de 4 Stades de France).

  Le festival est délocalisé à de multiples reprises, et ce, quelques jours avant le fameux 6 décembre 1969, créant des problèmes de logistiques : manque de tentes pour les services médicaux ainsi que de sanitaires. De plus, le terrain n’a pas un relief idéal ; la scène n’est située qu’un mètre au-dessus de la foule (ce détail revêtira une grande importance dans le déroulée de cette tragique journée).

  Mais le comble de l’insécurité réside dans le choix étrange qu’ont fait les Stones pour assurer le calme au sein de l’immense foule. Les vigies sont des Hells Angels, une bande de motards américains qui revendique l’usage de la violence. Ils seront payés en pack de bières, à consommer le jour même du festival car il est bien connu qu’un agent de sécurité saoul est plus performant et raisonné.

Des premiers incidents

Au cours du festival, qui débutera avec le concert de Santana, quelques bagarres éclatent entre les Hells Angels et des spectateurs noirs. Une partie de la foule et du service de « sécurité » a déjà absorbé du LSD, des amphétamines et de l’alcool à des seuils peu conseillés (il ne faut pas oublier que la période hippie est particulièrement propice à la consommation de drogues). Carlos Santana aperçoit de la scène des motards pousser des festivaliers et un homme brandir un couteau. Cependant, l’ambiance générale est plutôt détendue. Certains fument et jouent de la musique dans l’herbe, près de leurs sacs de couchage tandis que d’autres discutent et font connaissance.

   Mais ce climat semi-agité se détériore lorsque les Hells Angels arrivent à se procurer des queues de billard. Sous l’emprise d’alcool, un d’eux frappe le chanteur de Jefferson Airplane à la tête, alors qu’il allait porter secours à une jeune fan afro-américaine, victime de la violence des motards. Le groupe Grateful Dead refuse de monter sur scène au vue des débordements. Les autres musiciens fileront dans des hélicoptères dès leurs concerts finis. Stephen Stills, un des artistes jouant ce soir-là, avait avoué avoir eu peur de monter sur scène, persuadé que quelqu’un ne sorte une arme pour tirer sur Mick Jagger. Ce dernier ainsi que les autres membres des Stones hésitent à annuler leur prestation, puis décident finalement de la maintenir.

La mort d’un fan, poignardé au milieu du concert des Stones

Le groupe monte sur scène après avoir traversé cinquante mètres éprouvants au milieu de la foule, défoncée. Un homme frappe au visage de Mick Jagger. Les Hells Angels ont envahi l’espace scénique, retardant le concert, qui démarrera vers trois heures du matin.

  Entre les chansons, les membres du groupe sont obligés d’appeler au calme la foule survoltée et droguée. Lors de la septième chanson, Under My Thumb, un jeune homme noir de 18 ans, Meredith Hunter, est accusé par un Hells Angels de posséder une arme. L’agent de sécurité va alors le poignardé à mort, devant les yeux de sa petite amie. Sur les vidéos du concert, Meredith Hunter possède bien un revolver qu’il aurait pointé sur le groupe, mais il est impossible de savoir si ce geste était prémédité puisque l’autopsie révélera une forte consommation de méthamphétamines avant (ou pendant ?) le concert. Son assassin sera acquitté pour légitime défense par la justice américaine trois ans plus tard.

  L’ironie dans cette sombre histoire est que Mick Jagger aurait chanté les paroles d’Under My Thumb « I pray that it’s all right » (soit « je prie pour que tout aille bien ») au moment où Meredith Hunter fut tué.

Trois autres fans trouvent la mort

Le lendemain du festival, les journaux titrent que la journée s’est déroulée sans accrocs, avec quelques bousculades. Il faut attendre plusieurs jours pour que toutes les informations soient récoltées quant au réel déroulement, bien plus sombre. Outre la mort de Meredith Hunter, deux enfants se sont faits écrasés par un conducteur sou l’emprise d’acide, et une personne est retrouvée sans vie, noyée dans les canaux d’irrigation.

La fin de la période hippie ?

Les événements tragiques d’Altamont semblent clore la période hippie. Pour d’autres, ces années d’innocence s’étaient déjà éteintes suite aux meurtres commis par la Manson Family et son gourou Charles Manson, quelques mois plus tôt, le 2 août 1969 (ces événements seront relatés dans le prochain film de Tarantino, et dans un autre article que voici : http://www.lecercledesrockeursdisparus.com/2019/09/01/la-manson-family-lorsquhollywood-decouvre-lhorreur/ ).

  Il est impossible d’affirmer que le flower power se soit fini uniquement à cause du concert des Stones d’Altamont, on peut cependant affirmer que toute une génération américaine a perdu une partie de son innocence après ce terrible 6 décembre 1969. Quant aux Stones eux-mêmes, ils mettront trois ans pour revenir jouer sur le sol américain, se sentant en partie coupable de ces dérapages aux conséquences tragiques.