L’une des plus belles compositions de Bowie résonne depuis plus de quarante ans. Produite par les surdoués et compagnons de toujours Tony Visconti et Brian Eno, qui l’a aussi co-écrite avec Bowie, Heroes apparait au première abord comme une chanson d’amour intemporelle et tragique. Si l’on prête plus attention aux paroles, on pourrait croire que cet amour est dirigé… vers l’alcool ?
La fin des années 70 est pour Bowie une période de création fertile au rythme presque surhumain. Appelé communément sa « période berlinoise », le chanteur livre trois albums inspirés (Low, « Heroes » et Lodger)sans réel tube hormis Heroes plus tard. Le but était moins commercial qu’artistique. Ces disques modernes et créatifs seront saluées par les critiques et les fans.
De cette période dense se dégage une chanson, qui deviendra bientôt culte. Heroes ne s’impose pas tout de suite dans le paysage rock. Justice viendra au fil du temps (et aux fils des publicités qui se l’approprieront en masse). De nombreux événements historiques verront en la chanson un hymne, ainsi elle résonnera lors de la chute du mur de Berlin, ou après des attaques terroristes. Pourtant, son co-producteur Tony Visconti rappelle son premier sens, souvent oublié : « Ils jouent ‘Heroes’ à chaque événement héroïque, alors que cette chanson parle des alcooliques ».
Les références à l’alcool sont en effet cachées mais présentes. L’évidente « I drink all the time » est à prendre au premier sens du terme, tandis que le reste du morceau sous-entend l’alcoolisme de Bowie, aussi en prise à cette époque à la cocaïne. Lorsqu’il déclame avec force le refrain central que rien ne pourra les séparer, ni le mur de Berlin, ni le temps lui-même, Bowie ne fait donc pas référence à une tragique romance que menace la guerre froide. Deux autres chansons du même album confirment le réel sujet de Heroes.
Néanmoins, de multiples interprétations peuvent surgir quant à certains passages flous et poétiques de la chanson. L’important n’est peut-être pas ici le sujet réel de Heroes, mais son intensité sublimé par l’effet sonore en réverbération, sa ligne de basse iconique, et la voix intense de Bowie, sublimant même son triste alcoolisme…