Présenté en ouverture du Festival de Cannes, Le Deuxième Acte est à l’image des précédents films de Quentin Dupieux : un moment de cinéma sympathique mais qui s’épuise dans le format long. Cette comédie, certes réussie, reprend les meilleures tics d’écriture du réalisateur comme ses travers récurrents. Retour sur ce cas d’école représentatif de l’œuvre de Dupieux.
Ingrédient n°1 : un plot propice à la mise en abyme
Des acteurs tentent de jouer dans un mauvais film français. (David) Louis Garrel est coupé dans son élan par Willy (Raphaël Quenard) qui tergiverse sur la cancel culture, non sans relants homophobes. Florence (Léa Seydoux) est quant à elle agacée par le comportement mégalomane et donneur de leçons de Guillaume (Vincent Lindon). Les quatre arrivent tant bien que mal à se réunir dans un restaurant où un figurant (Manuel Guillot) n’arrive pas à jouer sa micro-scène… jusqu’au moment où tout déraille.
Comme dans Réalité (2014), Au poste ! (2018) ou, dès le début de sa carrière avec le moyen-métrage Nonfilm (2001), l’histoire prend place dans un dispositif méta où la frontière entre réalité et fiction se brouille de plus en plus. Si Le Deuxième Acte n’attend pas les sommets vertigineux de Réalité et Au poste ! à cause d’un renversement final décevant, cette mise en abyme donne lieu à une comédie efficace.
Ingrédient n°2 : une idée amusante mais mal exploitée
Quentin Dupieux ne manque pas d’idées folles pour démarrer un récit. Entre le pneu tueur de Rubber et la cave à remonter dans le temps d’Incroyable mais vrai, il s’agit bien souvent de canevas fructueux… sur le papier, car malheureusement, le propos s’essouffle rapidement. Pour Le Deuxième Acte, l’idée de départ de faire tourner des acteurs en train de jouer n’est pas tellement nouvelle et finit même par s’épuiser, faute à un dispositif qui privilégie la longueur et la répétition. C’est là que Dupieux cherche à renouveler son récit en introduisant l’intelligence artificielle. Cet élément s’invite de façon originale mais poussive, sans que Dupieux n’en fasse vraiment quelque chose de marquant.
Ingrédient n°3 : un propos politique convenu
Dupieux interroge le rôle du cinéma à l’heure des urgences actuelles. Il en tire un propos peu original, et surtout peu clair, sur la nécessité d’un cinéma qui ne sert à rien. Est-ce vraiment ce qu’il pense puisque ce début de film serait écrit par une I.A ? D’autres échos à l’actualité s’immiscent : cancel culture, arrogance des élites… Tout cela reste bien gentil. Comme dans Yannick qui dénonçait le mépris de classe, les incursions politiques de Quentin Dupieux ne font pas grand mal malgré son parti pris irrévérencieux. pour Le Deuxième Acte, le propos politique semble même se retourner sur lui-même, et se contredire, jusqu’à devenir un vague prétexte à l’avancée de l’histoire.
Ingrédient n°4 : une belle brochette d’acteur
Malgré les reproches formelles qu’on puisse lui faire, il est indéniable que Dupieux est un grand directeur d’acteur. Dans ce film, il joue sur l’image publique de chacun en poussant l’auto-dérision à son maximum. Le rôle de Louis Garrel aurait pu être plus étoffé, il n’en reste pas moins que le film nous offre des moments savoureux de comédie, en particulier avec le duel Quenard-Lindon. Quentin Dupieux leur donne un véritable écrin pour développer leur jeu, entre de longs plans-séquences, des dialogues qui font mouche et des personnages qui jouent plusieurs rôles. De ce côté-là, rien à redire. L’équipe des cinq acteurs et de la dizaine de figurants excellent, servis par des dialogues truculents d’humour noir.
Ingrédient n°5 : une mise en scène soignée, mais sans risques
Pour quelqu’un qui brandit son amateurisme en étendard, on remarque tout de même une grande maîtrise technique. Bien loin de l’aspect sale et fouillis de Nonfilm, Le Deuxième Acte est un film élégant et propret. Les gros plans flous sont trop travaillés pour nous faire croire à de l’improvisation. Dupieux se serait-il rangé ? Si on reconnait sa patte dans l’écriture des dialogues, ses films perdent de leur absurdité et de leur charme dans cette mise en scène de plus en plus soignée et impersonnelle. D’autre part, ce curieux plan final interminable sur les rails de travelling nous laisse croire à une forme d’auto-satisfaction.
Mélangez le tout et vous obtiendrez le nouveau film de Quentin Dupieux, efficace, drôle, et sans prétention… voire sans renouveau ?