Ours d’or à Berlin, ce documentaire de Mati Diop retrace la restitution de vingt-six œuvres béninoises retenues dans un musée français depuis plus d’un siècle. De belles idées de mise en scène, hélas esquissées, se mêlent à des débats trop peu approfondis.

Mati Diop s’empare de la restitution historique d’œuvres enfin rendues au Bénin pour donner la parole à la population spoliée, comme aux statues elles-mêmes. Dans la première partie du film, la réalisatrice pose sa caméra au musée Quai Branly pendant les préparatifs minutieux du rapatriement des statues. Les gestes minutieux, deviennent presque religieux.

Soudain, Mati Diop s’écarte de ce réalisme légèrement répétitif avec un plan noir, et surtout une voix off, alliage de plusieurs voix mixées en une seule, monstrueuse et inquiétante. La voix d’une statue. Ce parti pris fantastique et mystique séduit par la poésie de la langue et la focalisation interne de la statue. La caméra devient l’objet, plongé dans le noir à la fin de journée et pris au piège dans une caisse.

Dans la seconde partie de ce documentaire, la voix caverneuse de la statue s’éteint progressivement pour faire entendre les débats d’étudiants au lendemain du retour des œuvres. Des questionnements décoloniaux se mêlent aux critiques : faut-il mettre ces œuvres, d’abord religieuses, dans un musée d’art ? Quel lien avoir avec la France qui a accordé ces vingt-six objets, et en a gardé des milliers d’autres ? Est-ce uniquement une restitution politique ?

Comme on l’apprend dans le dossier de presse, ce débat, malgré son traitement au sein d’un documentaire, est en réalité mis en scène par Mati Diop qui a structuré l’échange en plusieurs thématiques (histoire, mémoire…). Le montage souligne l’artificialité du dispositif. Le débat semble remplir un cahier des charges des bonnes questions, pas vraiment inédites. Sur la question de la nature de ces objets, sacralisées dans le musée occidental, l’anthropologie et l’histoire de l’art l’ont déjà posée et approfondie plus que le film ne le fait. Les débats sur la décolonisation ne brillent pas par leur renouvellement profond.

En réalité, Dahomey fait le choix du questionnement plutôt que de la réponse, un choix intéressant mais frustrant à certains égards au vu de la longueur du débat. La voix mystérieuse de la statue peine à se faire entendre au sein du débat, la politique empêcherait-elle la poésie ?

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here