Après le bijou que fut Ma Vie de Courgette, Claude Barras revient avec ses emblématiques personnages à la grosse tête pour un film écolo, accompagné d’une campagne d’impact. Si son scénario trop transparent risque d’agacer les plus grands, Sauvages séduit par la qualité de son animation et de ses bruitages, son humour et son regard réaliste sur la déforestation.
Depuis le mystérieux décès de sa mère, Kéria, préado désabusée, vit avec son père près d’une forêt menacée par des producteurs d’huile de palme. Sa rencontre avec un orang-outan orphelin et avec son cousin autochtone la fera décrocher les yeux de son smartphone. Alors perdue dans la jungle, Kéria prend conscience de la beauté de la nature et s’érige en défenseuse du vivant aux côtés de sa famille.
Mêler drame familial et message écolo s’avère pertinent ; la jeune Kéria compensera le manque de sa mère en trouvant des racines et un autre foyer dans la forêt. Famille de sang et adoptive se confondent à mesure que l’enfant accepte ce nouveau lieu. La nature devient un refuge et une maison. Son récit d’apprentissage se transforme en éveil écolo. Sa transformation en une jeune Greta Thunberg se fait parfois avec des gros sabots, mais avec honnêteté et empathie.
Si le scénario paraît attendu, il dresse en réalité un savoureux panorama des pratiques écolo, allant de la radicalité à l’appropriation maladroite de la nature. Kéria s’intéresse à la jungle par le biais d’un bébé orang-outan, sorte de peluche animée qui rappelle les campagnes de pub de la WWF. Elle apprendra à se défaire de lui, à le laisser partir, discret message à tous ceux qui voudraient capturer la nature pour la protéger.
Claude Barras distille la même subtilité dans son portrait des autochtones, dont il n’élude pas la modernité (smartphone et singles radio). Il évoque aussi de façon juste et suffisamment clair pour les enfants les tourments dans lequel sont pris les autochtones, qui ne peuvent s’opposer légalement à la déforestation par manque de carte d’identité. Paradoxalement, ils sont dragués par les producteurs d’huile de palme qui y voit une main d’œuvre facile.
En embrassant ces problématiques complexes dans un point de vue d’enfant, le pari écolo de Claude Barras est réussi. Le scénario sera moins subtil, mais adapté aux enfants, et touchant.
Parmi les autres réussites du film, l’animation si particulière de Claude Barras brille et affirme les choix forts de Ma Vie de Courgette. Il privilégie la lenteur, les silences, pour laisser le décor s’exprimer par des bruits discrets d’ambiance et d’animaux. Le sound design sublime les paysages minutieusement confectionnés à la main et animés comme le reste image par image en stop motion.
Additionné au beau message du film, Sauvages s’accompagne d’une campagne de sensibilisation à la déforestation et interpelle petits et grands sur le sujet. Une belle manière de prolonger la séance et de joindre art et action.
Un grand merci à Haut et Court distribution de m’avoir envoyée ce film en avant-première !